Titre professionnel formateur pour adulte et dispositifs de contrôle qualité imposés par la loi

La formation professionnelle en France connaît une transformation majeure avec le renforcement des exigences qualitatives. Le métier de formateur pour adultes, sanctionné par un titre professionnel reconnu au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP), s’inscrit désormais dans un cadre réglementaire strict. Les récentes réformes, notamment la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, ont instauré des dispositifs de contrôle qualité rigoureux. Ces mécanismes visent à garantir l’excellence des prestations de formation et à sécuriser les investissements des financeurs publics et privés. Cette évolution réglementaire redéfinit profondément les pratiques professionnelles et les compétences attendues des formateurs.

Le cadre réglementaire du titre professionnel formateur pour adultes

Le titre professionnel de formateur professionnel d’adultes (TP FPA) constitue une certification de niveau 5 (équivalent bac+2) délivrée par le Ministère du Travail. Cette certification s’inscrit dans un cadre juridique précis, défini par l’arrêté du 22 avril 2020 portant modification du titre professionnel. Ce texte réglementaire détaille les compétences attendues et les modalités d’évaluation nécessaires à l’obtention du titre.

La structure du titre s’articule autour de deux certificats de compétences professionnelles (CCP) principaux :

  • CCP1 : Préparer et animer des actions de formation collectives en intégrant des environnements numériques
  • CCP2 : Construire des parcours individualisés et accompagner les apprenants

Le Code du Travail, dans ses articles relatifs à la formation professionnelle (notamment les articles L6313-1 et suivants), encadre l’exercice de cette profession. Il précise les obligations légales des formateurs en matière de compétences, de déontologie et de respect des normes pédagogiques.

La validation des acquis de l’expérience (VAE) constitue une voie d’accès alternative à ce titre, conformément aux dispositions des articles R335-5 à R335-11 du Code de l’Éducation. Cette modalité permet aux professionnels justifiant d’au moins un an d’expérience dans le domaine de la formation d’obtenir tout ou partie du titre sans suivre le parcours complet de formation.

L’évolution constante du cadre juridique implique une veille réglementaire permanente pour les formateurs. Ainsi, le décret n° 2019-564 du 6 juin 2019 relatif à la qualité des actions de formation professionnelle a introduit de nouvelles exigences auxquelles les détenteurs du titre doivent se conformer dans leur pratique professionnelle.

Qualiopi : un référentiel national qualité incontournable

La certification Qualiopi représente le pilier central du dispositif de contrôle qualité instauré par la réforme de 2018. Rendue obligatoire depuis le 1er janvier 2022 pour tous les prestataires de formation souhaitant bénéficier de fonds publics ou mutualisés, cette certification s’impose comme un prérequis pour l’exercice du métier de formateur indépendant ou au sein d’un organisme de formation.

Le référentiel national qualité sur lequel s’appuie Qualiopi comporte 7 critères et 32 indicateurs qui couvrent l’ensemble du processus de formation :

  • Information précise sur les prestations proposées
  • Identification des objectifs et adaptation aux publics bénéficiaires
  • Adaptation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement
  • Qualification et développement des connaissances des formateurs
  • Conditions d’accueil et d’accompagnement des publics
  • Insertion professionnelle des publics
  • Recueil et prise en compte des appréciations des parties prenantes

Le processus de certification est rigoureux et implique un audit initial approfondi par un organisme certificateur accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC). La certification est valable pour une durée de trois ans, avec un audit de surveillance à mi-parcours. Le décret n° 2019-565 du 6 juin 2019 détaille les modalités d’audit associées à cette certification.

Pour les formateurs titulaires du TP FPA, cette certification impose une mise en conformité constante de leurs pratiques professionnelles. Ils doivent notamment documenter leurs processus, assurer la traçabilité de leurs actions et mettre en œuvre une démarche d’amélioration continue. Le non-respect des exigences peut entraîner la suspension ou le retrait de la certification, avec des conséquences directes sur la capacité à exercer le métier dans des conditions optimales.

Les organismes financeurs comme France Compétences, les opérateurs de compétences (OPCO) ou Pôle Emploi vérifient systématiquement la détention de cette certification avant d’accorder tout financement, renforçant ainsi son caractère incontournable pour les professionnels du secteur.

Les obligations légales en matière de formation continue des formateurs

La législation française impose aux formateurs pour adultes une obligation de maintien et d’actualisation de leurs compétences. Cette exigence s’inscrit dans le cadre du décret n° 2018-1341 du 28 décembre 2018 relatif aux actions de formation et aux modalités de conventionnement des actions de développement des compétences.

La détention du titre professionnel de formateur constitue un point de départ mais ne suffit pas à garantir la conformité aux exigences légales sur le long terme. Les formateurs sont tenus de s’engager dans un processus de formation continue pour maintenir leur expertise tant sur le plan pédagogique que technique. Cette obligation est particulièrement scrutée lors des audits de certification Qualiopi.

Le plan de développement des compétences

Les organismes de formation doivent établir un plan de développement des compétences pour leurs formateurs, conformément aux articles L6321-1 à L6321-16 du Code du Travail. Ce plan doit prévoir des actions de formation régulières dans trois domaines principaux :

  • Actualisation des connaissances techniques dans le domaine d’expertise
  • Perfectionnement des méthodes pédagogiques et d’animation
  • Maîtrise des évolutions réglementaires du secteur de la formation professionnelle

Les formateurs indépendants ne sont pas exemptés de cette obligation et doivent pouvoir justifier de leur démarche de formation continue auprès des organismes certificateurs et des financeurs. Le Fonds d’Assurance Formation des Non-Salariés (FAF) peut prendre en charge une partie de ces formations.

La veille réglementaire obligatoire

Au-delà de la formation continue, les formateurs sont tenus d’assurer une veille réglementaire permanente. Cette obligation découle indirectement de l’article R6316-1 du Code du Travail qui impose aux prestataires d’actions de développement des compétences de se conformer aux évolutions législatives et réglementaires.

Cette veille doit porter sur :

  • Les évolutions du cadre juridique de la formation professionnelle
  • Les modifications des référentiels de certification dans leur domaine d’intervention
  • Les nouvelles obligations en matière d’accessibilité et d’inclusion des publics en situation de handicap

La loi du 2 août 2021 renforçant la prévention en santé au travail a ajouté des exigences supplémentaires concernant la prise en compte des risques professionnels dans les formations. Les formateurs doivent intégrer ces aspects dans leurs programmes et se former en conséquence.

Le non-respect de ces obligations de formation continue et de veille réglementaire peut entraîner des sanctions lors des contrôles effectués par les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle (SRC) rattachés aux DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités).

Le contrôle continu de la qualité des prestations de formation

Au-delà de la certification initiale, la législation impose aux formateurs pour adultes un système de contrôle continu de la qualité de leurs prestations. Ce système s’articule autour de plusieurs mécanismes complémentaires qui visent à garantir l’efficacité des formations dispensées.

L’évaluation systématique des formations

Conformément à l’article R6316-2 du Code du Travail, les prestataires de formation doivent mettre en œuvre un processus d’évaluation systématique de leurs actions. Cette obligation se traduit par plusieurs dispositifs :

  • Évaluation à chaud de la satisfaction des apprenants
  • Évaluation des acquis en fin de formation
  • Évaluation à froid (3 à 6 mois après la formation) pour mesurer le transfert des compétences
  • Suivi du devenir des apprenants et de leur insertion professionnelle

Les résultats de ces évaluations doivent être analysés et donner lieu à des actions correctives documentées. Le décret n° 2019-564 du 6 juin 2019 précise que ces évaluations constituent un élément central du processus d’amélioration continue exigé dans le cadre de la certification Qualiopi.

Les contrôles externes

Les formateurs pour adultes sont soumis à différents types de contrôles externes prévus par la législation :

Les audits de surveillance Qualiopi interviennent entre le 14e et le 22e mois suivant la certification initiale. Ces audits, réalisés par des organismes certificateurs accrédités, vérifient le maintien de la conformité aux exigences du référentiel national qualité.

Les contrôles administratifs et financiers peuvent être diligentés par les services régionaux de contrôle (SRC) conformément aux articles L6361-1 à L6361-3 du Code du Travail. Ces contrôles peuvent porter sur l’ensemble des aspects de l’activité de formation : réalité des actions, conformité aux programmes annoncés, qualification des formateurs, etc.

Les contrôles des financeurs constituent un troisième niveau de vérification. Les OPCO, Pôle Emploi ou les Régions peuvent effectuer des contrôles spécifiques sur les actions qu’ils financent, comme le prévoit l’article R6332-26 du Code du Travail.

Les formateurs doivent conserver l’ensemble des documents justificatifs de leurs actions pendant une durée minimale de trois ans, conformément à l’article R6351-6 du Code du Travail. Cette obligation de traçabilité s’étend aux supports pédagogiques, aux évaluations et aux preuves de réalisation des formations.

En cas de manquement constaté lors de ces contrôles, les formateurs s’exposent à des sanctions pouvant aller du simple avertissement jusqu’au remboursement des sommes indûment perçues, voire à l’interdiction temporaire d’exercer, comme le prévoit l’article L6362-7 du Code du Travail.

Perspectives d’évolution et adaptations nécessaires pour les formateurs

Le paysage réglementaire de la formation professionnelle poursuit sa mutation, exigeant des formateurs pour adultes une capacité d’adaptation permanente. Plusieurs évolutions majeures se dessinent et nécessitent une anticipation stratégique de la part des détenteurs du titre professionnel formateur.

Le renforcement de la digitalisation et ses implications juridiques

Le décret n° 2018-1341 du 28 décembre 2018 a consacré la reconnaissance légale des formations à distance et en situation de travail. Cette évolution s’est considérablement accélérée avec la crise sanitaire de 2020. Pour les formateurs, cette transformation numérique implique de nouvelles obligations :

  • Garantir la protection des données personnelles des apprenants conformément au RGPD et à la loi Informatique et Libertés
  • Assurer la traçabilité des parcours de formation à distance avec des systèmes de preuves robustes
  • Respecter les exigences d’accessibilité numérique pour les personnes en situation de handicap, conformément au décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019

Les formateurs doivent désormais intégrer ces considérations juridiques dans la conception de leurs dispositifs pédagogiques numériques. La CNIL a d’ailleurs publié en 2021 des recommandations spécifiques pour le secteur de la formation professionnelle, que les formateurs sont tenus de respecter sous peine de sanctions administratives.

L’évolution des critères qualité et des exigences de certification

Le référentiel Qualiopi, dans sa version actuelle, n’est qu’une première étape. Les discussions en cours au sein de France Compétences et du Ministère du Travail laissent présager un renforcement progressif des exigences :

L’intégration probable de critères environnementaux et sociaux dans le référentiel qualité, en cohérence avec la loi Climat et Résilience du 22 août 2021

Le renforcement des exigences en matière de suivi post-formation et d’impact des actions de formation sur l’employabilité des apprenants

L’extension du champ d’application de la certification à de nouvelles modalités pédagogiques comme le mentorat ou le coaching

Les formateurs doivent anticiper ces évolutions en adoptant une démarche proactive d’amélioration de leurs pratiques. La participation à des groupes de travail professionnels et le suivi des publications de la Direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) permettent de rester informé des orientations futures.

La professionnalisation accrue du métier de formateur

La tendance législative actuelle pousse vers une professionnalisation renforcée du métier de formateur. Plusieurs signaux réglementaires confirment cette orientation :

La révision du titre professionnel formateur pour adultes prévue en 2023, avec un renforcement probable des compétences exigées en matière d’ingénierie pédagogique et d’évaluation

L’émergence de certifications complémentaires spécialisées reconnues par les branches professionnelles, qui pourraient devenir obligatoires pour certains types de formations

Le développement de registres professionnels sectoriels imposant des conditions d’exercice plus strictes, à l’image de ce qui existe déjà pour les formateurs en sécurité

Pour faire face à ces évolutions, les détenteurs du titre professionnel ont intérêt à développer une stratégie de spécialisation et de différenciation. L’adhésion à des associations professionnelles comme la Fédération de la Formation Professionnelle (FFP) ou le Syndicat National des Organismes de Formation (SYCFI) peut constituer un atout pour rester à la pointe des évolutions réglementaires.

La mise en place d’une démarche portfolio documentant les compétences, les formations suivies et les résultats obtenus auprès des apprenants devient un outil stratégique pour démontrer sa conformité aux exigences légales croissantes. Cette pratique, bien qu’encore non obligatoire, s’inscrit parfaitement dans l’esprit des réformes successives qui visent à renforcer la transparence et la qualité du secteur de la formation professionnelle.