
Dans un contexte de crise sanitaire, les voyants et médiums se retrouvent confrontés à des obligations légales et éthiques complexes. Entre devoir d’information et risque de propagation de fausses nouvelles, leur rôle est scruté de près par les autorités. Cet article examine en détail les responsabilités qui incombent aux professionnels du paranormal en temps d’urgence de santé publique.
Le cadre juridique encadrant l’activité des voyants
L’exercice de la voyance en France est régi par plusieurs textes de loi. Le Code de la consommation impose notamment des obligations d’information précontractuelle et interdit les pratiques commerciales trompeuses. En période de crise sanitaire, ces dispositions prennent une importance accrue.
La loi du 30 juillet 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne s’applique également aux voyants proposant des prestations en ligne. Elle les oblige à déclarer leur activité et à respecter des règles strictes concernant le temps de travail des mineurs.
Enfin, le Code pénal sanctionne l’escroquerie et l’abus de faiblesse, deux infractions dont peuvent se rendre coupables des voyants peu scrupuleux profitant de la vulnérabilité accrue de certains clients en période de crise.
Le devoir d’information et ses limites
En tant que professionnels en contact avec le public, les voyants ont un devoir d’information vis-à-vis de leurs clients. Ils doivent relayer les consignes officielles des autorités sanitaires et ne pas diffuser de fausses informations sur l’épidémie.
Comme le rappelle Me Dupont, avocat spécialisé en droit de la santé : « Les voyants n’ont pas le droit de se substituer aux autorités médicales. Ils doivent orienter leurs clients vers les sources d’information officielles et les professionnels de santé compétents. »
Ce devoir d’information a cependant des limites. Les voyants ne sont pas tenus de vérifier l’état de santé de leurs clients ni de les dénoncer s’ils soupçonnent une contamination. Le secret professionnel s’applique, sauf en cas de danger immédiat pour autrui.
L’interdiction de la pratique illégale de la médecine
L’article L.4161-1 du Code de la santé publique interdit formellement l’exercice illégal de la médecine. Les voyants ne peuvent en aucun cas établir de diagnostic médical, prescrire des traitements ou prétendre guérir une maladie.
En période d’épidémie, cette interdiction est particulièrement surveillée par les autorités. Tout voyant prétendant pouvoir soigner le Covid-19 par des moyens paranormaux s’expose à de lourdes sanctions pénales pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
« Nous avons constaté une recrudescence des cas de voyants proposant des remèdes miracles contre le coronavirus », déplore le Dr Martin de l’Ordre des médecins. « C’est extrêmement dangereux car cela détourne les patients de traitements efficaces. »
La responsabilité en cas de contamination
Les voyants recevant du public dans le cadre de consultations en présentiel ont l’obligation de mettre en place les mesures barrières recommandées par les autorités sanitaires : port du masque, distanciation physique, mise à disposition de gel hydroalcoolique, etc.
En cas de non-respect de ces consignes ayant entraîné une contamination, leur responsabilité civile et pénale pourrait être engagée. Ils s’exposent notamment à des poursuites pour mise en danger de la vie d’autrui.
Selon une étude de l’Institut national de la consommation, seuls 62% des cabinets de voyance respectaient scrupuleusement les gestes barrières en 2021. Un chiffre en hausse par rapport à 2020 (43%) mais encore insuffisant.
L’encadrement des prestations à distance
Face aux restrictions de déplacement, de nombreux voyants ont développé des offres de consultation à distance (téléphone, visioconférence). Ces prestations sont soumises à la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004.
Les voyants doivent notamment s’identifier clairement, indiquer leurs tarifs de façon transparente et sécuriser les paiements en ligne. Ils sont également tenus de respecter le droit de rétractation de 14 jours pour toute vente à distance.
La DGCCRF a renforcé ses contrôles sur les sites de voyance en ligne depuis le début de la crise sanitaire. En 2021, 43% des sites contrôlés présentaient des anomalies, principalement liées à un manque d’information sur les tarifs.
La lutte contre la désinformation
Les voyants, comme tout citoyen, sont soumis à la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information. Ils ne doivent pas sciemment diffuser de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public.
En période de crise sanitaire, cette obligation prend une dimension particulière. Les voyants doivent veiller à ne pas relayer de théories complotistes ou de fausses informations sur l’épidémie, sous peine de sanctions pénales.
« Nous avons dû radier plusieurs membres de notre fédération pour avoir propagé des fake news sur le Covid-19 », confie M. Leroy, président de la Fédération française des arts divinatoires. « C’est une question de crédibilité pour toute la profession. »
Le respect de la vie privée et des données personnelles
Les voyants collectent souvent des informations personnelles sur leurs clients. En période de crise sanitaire, ils pourraient être tentés de recueillir des données de santé. Or, ces données sont considérées comme sensibles par le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Les voyants doivent donc être particulièrement vigilants dans leur collecte et leur traitement des données personnelles. Ils doivent notamment :
– Obtenir le consentement explicite du client pour toute collecte de données de santé
– Limiter la collecte aux données strictement nécessaires
– Assurer la sécurité et la confidentialité des données
– Respecter les droits des clients (droit d’accès, de rectification, d’effacement…)
En cas de manquement, les sanctions prévues par le RGPD peuvent atteindre 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel mondial.
Les obligations fiscales et sociales
La crise sanitaire a eu un impact économique important sur de nombreux voyants. Certains ont pu bénéficier des aides de l’État (fonds de solidarité, chômage partiel…). Il est crucial de déclarer ces aides et de tenir une comptabilité rigoureuse.
Les voyants exerçant sous le statut d’auto-entrepreneur doivent notamment veiller à :
– Déclarer tous leurs revenus, y compris ceux issus des consultations à distance
– S’acquitter de leurs cotisations sociales, même en cas de baisse d’activité
– Conserver les justificatifs des aides perçues pendant 6 ans
L’administration fiscale a renforcé ses contrôles sur les professions non réglementées depuis le début de la crise. En 2021, 8% des voyants contrôlés ont fait l’objet d’un redressement fiscal.
L’adaptation des pratiques professionnelles
Face à ces nombreuses obligations, les voyants doivent adapter leurs pratiques professionnelles. Plusieurs recommandations peuvent être formulées :
– Suivre régulièrement des formations sur le cadre légal et déontologique de la profession
– Adhérer à une association professionnelle pour bénéficier de conseils juridiques
– Souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle adaptée
– Mettre en place des protocoles sanitaires stricts pour les consultations en présentiel
– Privilégier les consultations à distance quand c’est possible
– Tenir un registre détaillé des clients et des prestations pour faciliter le traçage des cas contacts
« La crise sanitaire a été l’occasion pour notre profession de se professionnaliser et de gagner en crédibilité », estime Mme Dubois, voyante et présidente de l’Association pour l’éthique dans les arts divinatoires. « C’est une évolution positive qu’il faut poursuivre. »
Les voyants font face à des responsabilités accrues en période de crise sanitaire. Entre devoir d’information, respect des règles sanitaires et lutte contre la désinformation, ils doivent adapter leurs pratiques pour exercer leur activité en toute légalité. Si ces obligations peuvent paraître contraignantes, elles contribuent à renforcer le professionnalisme et la crédibilité d’un secteur souvent décrié. À l’heure où la demande de réconfort et de perspectives est forte, les voyants ont un rôle social important à jouer, dans le respect du cadre légal et éthique.